The Game : la critique du film de David Fincher (2024)

Thriller machiavélique, The Game est surtout magnifié par une réalisation superbe et une ambiance anxiogène réussie. Malheureusement, son dernier quart d’heure gâche en grande partie la fête avec un twist improbable et peu pertinent.

Synopsis: Nicholas Van Orton, un richissime homme d’affaires reçoit comme cadeau d’anniversaire de la part de son frère Conrad une invitation à participer à un jeu d’un genre nouveau. D’abord sceptique, il se laisse tenter par cette aventure. Cette partie se révèle être un engrenage aux mécanismes diaboliques…

The Game, un scénario qui a longtemps circulé à Hollywood

Critique: Au début des années 90, le duo de scénaristes John Brancato et Michael Ferris (également auteurs des scripts de Traque sur Internet avec Sandra Bullock et de Terminator 3) rédigent à quatre mains le scénario de The Game. Aussitôt acheté par la MGM, le traitement est passé de main en main pendant plusieurs années, dont celles du cinéaste Jonathan Mostow, avant d’être racheté par la société PolyGram. Celle-ci finit par proposer le projet au réalisateur David Fincher qui accepte sur le principe, mais qui doit d’abord terminer son second long-métrage, à savoir un certain Se7en (1995).

Grâce au triomphe mondial remporté par le thriller horrifique avec Brad Pitt – soit une douzième place annuelle au box-office américain et une magnifique troisième place en France en 1996 avec près de 5 millions d’entrées – le choix de David Fincher ne fait plus aucun doute, lui qui est devenu du jour au lendemain un cinéaste bankable. Désormais affranchi de son étiquette de brillant réalisateur de clips vidéo, David Fincher a les coudées franches et parvient même à convaincre Michael Douglas de s’engager sur le film, alors que l’acteur était initialement réticent.

Une ambiance paranoïaque du plus bel effet

Légèrement modifié pour rendre le personnage principal encore plus antipathique, le scénario d’origine propose effectivement un postulat de départ particulièrement original. Le frère – Sean Penn égal à lui-même – d’un homme d’affaires carnassier lui offre un cadeau peu ordinaire en le faisant participer à un jeu dont les règles ne sont connues de personne. D’abord peu enthousiasmé à l’idée de voir son quotidien bouleversé, l’homme blasé joué avec beaucoup d’entrain par Michael Douglas décide de se prendre au jeu. Pourtant, petit à petit, des événements étranges viennent ébranler la psyché de cet homme trop sûr de son pouvoir.

The Game commence donc très fort, avec une ambiance très sombre qui rappelle quelque peu l’esthétique développée dans Se7en. Brillamment amenée, l’intrigue se noue peu à peu et nous laisse dans l’incertitude la plus déstabilisante, à l’image de ce que ressent le protagoniste central. Comme lui, on envisage toutes les possibilités, depuis le complot pour l’affaiblir, la vengeance fraternelle ou encore l’escroquerie de haut vol. Plongeant dans la même paranoïa que l’anti-héros, le spectateur est invité à douter de chaque protagoniste secondaire. Ainsi, la belle Deborah Kara Unger est-elle réellement une oie blanche en danger ou une manipulatrice hors pair ? Le choix de l’actrice de Crash (Cronenberg, 1996), au visage troublant, mais inhabituel, renforce encore les soupçons du spectateur. Même chose pour un Sean Penn dont on doute forcément de la sincérité dans ce beau jeu du chat et de la souris.

Des références allant d’Hitchcock aux petits maîtres italiens

Outre ses développements intrigants, The Game est aussi un superbe objet cinématographique par la grâce d’une réalisation racée et d’une classe folle. On songe nécessairement aux œuvres d’Alfred Hitchcock dans la création d’un suspense fondé sur le doute, mais les références de Fincher vont bien au-delà. Ainsi, la présence au générique de Carroll Baker nous met également sur la voie du thriller à machination dont elle fut un temps la spécialiste lorsqu’elle tournait en Italie à la fin des années 60 sous la direction d’Umberto Lenzi.

The Game : la critique du film de David Fincher (1)

© 1997 Universal Studios / Jaquette : L’Atelier d’Images. Tous droits réservés.

Magnifié par les superbes éclairages d’Harris Savides et la musique très mystérieuse de l’excellent Howard Shore, The Game est donc un thriller de haute volée durant plus d’une heure et demie, ouvrant des perspectives inédites dans le cinéma policier de l’époque. Malheureusement, les choses se gâtent durant le dernier quart d’heure puisque l’intrigue se termine sur un twist pour le moins improbable, et surtout terriblement décevant. En fait, dans cette dernière ligne droite, plus rien ne fonctionne vraiment et on se demande même si ce dénouement n’a pas été imposé par un studio qui avait peur de tant de noirceur. Apparemment, ce ne fut pas le cas, même si David Fincher a depuis déclaré ne pas être satisfait du film.

Une fin toujours aussi décevante vingt-cinq ans après

Certes, The Game surfe sur la vogue du jeu de rôle qui commençait à se développer à l’époque, et il anticipe en quelque sorte la mode des Escape Game, mais cela ne rend pas pour autant cette fin crédible, ou même pertinente d’un point de vue psychologique. Pire, le long-métrage perd de sa puissance de dénonciation d’un monde entièrement gouverné par des puissants coupés des réalités du monde et se borne à ne plus être qu’un divertissement un peu vain. Cette fin catastrophique vient donc tempérer notre enthousiasme, alors même que l’ensemble du film se hisse à un excellent niveau en termes d’angoisse et de suspense. Très critiqué à l’époque car faisant suite à l’imparable Se7en, The Game est donc une semi déception lors de sa sortie. Le métrage confirme bien la maîtrise technique d’un cinéaste visionnaire, mais peine à renouveler l’enthousiasme généré par son prédécesseur.

Sorti au mois de septembre 1997 aux Etats-Unis, le thriller a démarré avec 14,3 millions de dollars dans sa besace lors de sa première semaine d’exploitation sur plus de 2400 écrans. Un score assez proche de celui de Se7en en 1995, ce qui laissait augurer une carrière aussi satisfaisante. Mais à la différence de son prédécesseur, le métrage a perdu beaucoup de fréquentation les semaines qui ont suivi sa première exposition, preuve d’un bouche à oreille plutôt défavorable de la part du grand public. Là où Se7en avait fait preuve d’une stabilité à toute épreuve, son successeur a perdu environ 40 % de ses entrées de semaine en semaine, tout en restant exploité dans un parc de salles conséquent. Le métrage a ainsi terminé sa course nord-américaine avec 48,3 M$ (soit 91,5 M$ au cours de 2023), mais pour un budget conséquent de 50 M$ (soit 94,7 M$ au cours de 2023).

The Game dépasse le million d’entrées en France

A Paris, The Game sort le 5 novembre 1997 sans réelle concurrence. Il se positionne donc logiquement en tête des entrées à Paris avec 165825 Franciliens dans un parc conséquent de 38 salles. Sur l’ensemble de la France, The Game suscite l’attrait du public en décrochant 552994 entrées dès sa première semaine. Visiblement, les Français se souviennent encore de Se7en qui les a passionnés un an et demi auparavant. Toutefois, la semaine suivante, le métrage doit affronter le retour de la saga Alien avec un numéro 4 réalisé par le Français Jean-Pierre Jeunet qui atterrit logiquement à la première place du box-office. The Game dégringole à Paris et perd près de la moitié de ses entrées malgré un parc de salles encore étendu. Avec 76 991 Franciliens supplémentaires, le film semble déjà souffrir d’un mauvais écho de la part du grand public.

Cette chute se retrouve également à l’échelle nationale avec une deuxième septaine à 250257 spectateurs, ce qui offre au métrage un peu plus de 800000 tickets vendus. Même topo avec une troisième semaine encore en chute (51915 à Paris et 162704 en France). Le thriller déceptif franchit la barre du million sur la France au bout d’un mois de présence. Le film termine sa carrière parisienne avec 368 449 paranoïaques à son bord. En France, Michael Douglas continue à courir quelques temps pour profiter des vacances de Noël 1997. Les fêtes lui apportent effectivement de quoi atteindre les 1 211413 entrées, mais on est ici très loin du magnifique score du thriller précédent de David Fincher.

Depuis cette époque, le long-métrage a profité de nombreuses rééditions sur divers supports DVD et blu-ray, ainsi que d’éditions collector qui prouvent son caractère culte auprès d’une nouvelle génération biberonnée aux jeux interactifs.

Critique deVirgile Dumez

Les sorties de la semaine du 5 novembre 1997

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The Game : la critique du film de David Fincher (2)

© 1997 Universal Studios / Affiche : Yet. (agence). Tous droits réservés.

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David Fincher, Michael Douglas,Sean Penn,James Rebhorn,Deborah Kara Unger,Carroll Baker,Peter Donat

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Les relations entre frères au cinéma, La paranoïa au cinéma, Les histoires étranges au cinéma

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